La vie en Vérité

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Afrique Espoir en face de la réconciliation pour l'Afrique

C’est donc le tem

Centrafricain, François-Xavier YOMBANDJE est l’évêque du diocèse de Bossangoa en République Centrafrique. Docteur en théologie systématique, Président de la Conférence Episcopale Centrafricaine (2005-2008) et de l’Association des Conférences Episcopales de la Région d’Afrique Centrale, (2005-2008). Mgr François-Xavier est profondément impliqué dans l’effort engagé par l’Eglise africaine au service de la réconciliation, de la justice et de la paix.

Il éclaire l’opinion par la Parole de Dieu et ses réflexions sur la réalité centrafricaine. Dans cette interview, il partage les attentes que suscite le prochain synode africain.

 

►  Excellence, la deuxième assemblée spéciale des Evêques d’Afrique aura comme thème: «L’Eglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix». Dans le contexte actuel, pensez-vous que ce thème est vraiment d’actualité pour le continent africain?

Assurément. Ce thème est vraiment d’actualité vu que l’Afrique est confrontée un peu partout à des foyers de tension et de guerres, à la corruption et à la pauvreté, a urgemment besoin de réconcilier ses enfants et d’instaurer une véritable justice.

La réconciliation, la paix et la justice manquent à l’Afrique. Le thème du prochain Synode vient donc à point nommé. Mais il faut plutôt poser le problème en termes de résonance sociale. Comment le synode envisage-t-il parler de la justice quand l’injustice et la corruption enchaînent les structures de nos Etats? Comment l’Eglise africaine, à la lumière de l’Evangile du Christ, entend proposer la paix alors que persistent un peu partout sur le sol africain des foyers de tension, de guerres, des conflits ethniques?

 

►  Y a-t-il dans l’Eglise et la société centrafricaine des évolutions positives qui se sont produites en relation avec ce thème?

Depuis les Lineamenta, il y a eu des avancées significatives dans l’étude, le partage et le travail sur la problématique de la réconciliation, justice et paix. La conférence épiscopale centrafricaine en a largement parlé au point que se sont formés dans les diocèses des «états synodaux», afin de mettre en place une réflexion qui part de la base et remonte au plus haut niveau de l’Eglise.

Bien entendu, l’intensité du travail n’est pas la même partout, elle varie d’un diocèse à l’autre, d’une région à l’autre. Nous reconnaissons que les résultats de ce travail restent encore insignifiants même s’il est vrai que les idées ont fait chemin.

On en parle largement à la Radio, les journaux et les rencontres sur le Synode sont en train de se poursuivre. Je crois que le thème qui concerne toute l’Afrique est déjà partagé et connu de tous grâce à l’effort fait, même si son effet vient à petit feu.

 

►  Quels sont les obstacles internes qui continuent à peser lourdement sur le continent africain?

Les obstacles sont nombreux et se situent à plusieurs niveaux. Mais il faut être honnête et réaliste. Ces obstacles, autant ils viennent de l’intérieur, que de l’extérieur. L’un des ces obstacles internes, ce sont les rébellions qui déstabilisent les pays africains et ouvrent la porte à la libre circulation des fusils et armes de guerres dans l’ensemble du continent. Cela parfois, avec la complicité des Africains.

 La Centrafrique ne fait pas exception. Les armes légères sont à la portée des civils qui non seulement sèment la terreur et l’insécurité dans les provinces mais aussi braquent les personnes la nuit dans la capitale. Le manque de civisme, l’absence de nationalisme, le tribalisme, la non répartition équitable des biens du pays, la mauvaise gouvernance, le manque de transparence économique, l’instabilité politique… constituent de véritables obstacles à la justice et la paix et font peser sur la paisible population de lourdes peines psychologiques. Bref, il s’agit d’un complexe d’obstacles qui rendent difficiles l’établissement de la paix.

 

►  Peu avant la tenue du dialogue politique inclusif de la Centrafrique, les Evêques ont adressé un message aux catholiques et aux hommes de bonne volonté invitant les participants à ne pas décevoir l’immense espoir du pays. Les conclusions de ce dialogue ont-elles apporté un souffle de paix et de réconciliation dans l’espace politique et dans l’ensemble du pays?

Globalement, son issue est positive. Ce dialogue a marqué un tournant décisif dans l’histoire politique de la RCA en soulevant d’immenses espoirs au niveau national. On a vu les ennemis d’autrefois réunis autour de la table de réconciliation, débattant des conflits longtemps gardés, évitant manifestement la politique du bouc émissaire, exprimant à l’unanimité la volonté de mettre en place un gouvernement de large ouverture nationale, recherchant des voies et moyens pour se réconcilier afin de libérer la justice, la paix et engager le pays sur le chemin de son développement socio- économique. Mais nous ne devons pas rester au niveau d’une grande rencontre. Nous avons cependant noté une limite d’analyse, de compétence, de suivi et de réalisation dans l’étape post - dialogue. En clair, ce dialogue reste une page ouverte sur laquelle les politiciens centrafricains devront écrire une nouvelle histoire d’un pays pacifié, libre et prospère. Quiconque contredit ce voeu doit s’attendre à un jugement sévère de l’histoire. C’est donc le temps qui nous indiquera si le dialogue politique inter centrafricain a vraiment été une réussite ou un fiasco.

 

►  Quelle est la responsabilité spécifique des laïcs dans l’effort pour la réconciliation, de la justice et de la paix en Afrique?

Les laïcs sont appelés à défendre courageusement les droits des minorités à écrire et dénoncer les exactions arbitraires, inacceptables, contre la population, à s’engager avec foi et réalisme dans le combat pour une Afrique plus fraternelle, plus humaine et plus fiable. Ils doivent prendre part activement dans les commissions «Justice et Paix» afin d’influencer les structures sociales et politiques de l’intérieur et accélérer ainsi leur processus de transformation et d’humanisation. Ils doivent lutter ensemble aux côtés de leurs pasteurs, évêques et prêtres, afin que l’Afrique puisse respirer une atmosphère de démocratie et de confiance.

Enfin, le rôle des laïcs est de partager leurs expériences avec les laïcs de l’Europe, de l’Amérique et de l’Asie afin que l’action de la justice et la paix soit partagée, engagée par tous.

 

►  Quelles sont les priorités pastorales de l’Eglise catholique en Centrafrique?

Les priorités pastorales sont focalisées sur trois axes, notamment l’éducation, la santé et la promotion humaine. C’est le socle à partir duquel on peut aboutir à la paix. L’éducation étant gravement en panne, l’Eglise investit en l’homme afin de garantir un avenir heureux aux fils et filles de ce pays. Une population malade ne peut libérer ses forces pour travailler et transformer la société. D’où l’engagement de l’Eglise dans le domaine de la santé et au niveau national, la Conasan (Coordination Nationale pour la Santé) présente dans tous les diocèses, travaille efficacement à prévenir, soigner et combattre les maladies. Le Sida reste un redoutable adversaire même si les efforts de sensibilisation et d’information se multiplient. L’abstinence et la fidélité restent les armes les plus sûres et les plus efficaces.

L’évangélisation ne va pas sans la promotion humaine. Au contraire, celle-ci est une dimension constitutive de l’annonce du message chrétien.

 

►  Un peu partout en Afrique sévissent guerres, conflits ethniques, rendant instables la politique, l’économie, la santé et l’éducations ...

Manifestement les pays africains sont des sociétés en recherche. Dans cette quête inlassable d’équilibre social, politique et économique, il y a des soubresauts qui manifestent la volonté de changement. Leurs causes profondes sont plurielles et complexes. Parmi les plus caractéristiques, nous pouvons citer le manque de repères démocratiques, l’incapacité des gouvernants à donner le maximum d’eux-mêmes dans la gestion de la chose publique, les rivalités pour le pouvoir, les conflits suite aux richesses dont regorge notre sol et sous-sol. Mais plus profondément, les causes de ce malaise ou de ce mécontentement généralisé se situent dans l’homme lui-même. L’homme y a sa part et sa place non seulement dans les structures mais encore et davantage dans son imperfection. Ce que nous voyons ça et là ce sont des manifestations d’un déséquilibre intérieur.

Du coup, il convient d’abord de guérir l’intérieur de l’homme, de le convertir, ensuite de soigner et de s’attaquer aux diverses symptômes qui en découlent. C’est l’une des missions du prochain Synode africain: proposer, à partir de la parole de Dieu, des jalons afin d’éclairer les consciences et les pas vers une véritable «pax africana.»

 

►  Qu’est-ce qu’on pourrait dire des attentes des Africains à l’approche d’un Synode sur la réconciliation, la justice et la paix?

C’est difficile ici de dire l’attente de tous les Africains. Mais il me semble que la plus grande attente des filles et fils de ce continent est de voir une Afrique pacifiée, réconciliée, prospère et digne.

Cette démarche ne va pas sans une contemplation des vertus et un clin d’œil à nos grands gouvernants tels que Nkrumah, Lumumba, Boganda, Nyerere, Mandela… ils sont une inspiration patriotique pour nos politiciens d’aujourd’hui. Mais surtout nous devons élargir nos regards vers nos premiers vaillants missionnaires charismatiques qui, déjà à leur époque, voyaient une Afrique moderne, porteuse et défenseuse de la vie,  capable de la faire épanouir, de rayonner la paix, une Afrique belle, libre, ouverte, autonome et resplendissante car il y fait beau vivre. On se sent vraiment chez soi et l’on se projette sans peur dans l’avenir. Une autre attente est que les plus grands pensent aux plus petits, aux plus faibles, aux plus défavorisés. Car l’Afrique ignorante, malade, pauvre, est à dépasser.

 



04/11/2011
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