La vie en Vérité

La vie en Vérité

La problématique de l’unité africaine (1958-1963)

La problématique de l’unité africaine

(1958-1963)

AuteurYacouba Zerbo du même auteur

Université de Ouagadougou, Burkina-Faso.

Introduction

 

La problématique de l’unité africaine se pose aujourd’hui avec beaucoup plus d’acuité que par le passé. Après quarante ans d’existence, l’OUA apparaît comme une institution essoufflée, une diète germanique incapable à cause de l’attachement de ses membres à leur souveraineté, à l’incertitude qui plane sur les pouvoirs de certains organes principaux comme le secrétariat général, à la désuétude ou à l’inefficacité de certaines de ses structures[1] [1] E. Kodjo, Et demain l’Afrique, Paris, Stock,...
suite comme le comité de libération...

2 Cette hérésie de l’institution ne puise-t-elle pas ses racines dans la genèse de sa création, à savoir :

3 le contexte politico-idéologique qui a prévalu en Afrique et dans le monde à la veille de la création de l’OUA ; —

4 l’évolution des rapports Nord-Sud, c’est-à-dire de la colonisation à la coopération ; —

5 les rivalités inter-blocs dans le contexte de la guerre froide ; —

6 les relations interafricaines et l’affirmation des souverainetés locales ; —

7 le besoin de développement axé sur le micro-nationalisme aigu ? —

8 Paradoxalement considéré comme un continent pauvre, l’Afrique a toujours été un enjeu capital pour les puissances étrangères. C’est pourquoi, contrainte sous la pression des événements, la Belgique concéda l’indépendance au Congo. Mais elle s’ingénia à y semer les germes de la désunion afin de lui en détacher les plus riches régions que sont le Katanga et le Kasaï. Les Français, de leur côté, n’entendaient pas renoncer à leur influence dans les possessions d’Afrique que les gouvernements qui se sont succédé depuis 1945 soupçonnaient Américains et Soviétiques de vouloir détacher de la France. La Grande-Bretagne tenait tant à ses intérêts au Kenya qu’elle déclara une guerre atroce aux Mau-Mau afin d’y conserver ses intérêts[2] [2]Ibid. , p.  118. ...
suite. Quoi de plus normal que d’orienter et de canaliser les mouvements d’indépendance pour instaurer une coopération dont les objectifs se confondent manifestement à ceux de la colonisation ? Au Nigeria, les services secrets britanniques manœuvrèrent si bien que l’indépendance fut accordée aux dirigeants acquis à la cause britannique.

9 La pléthore de leaders politiques africains issue de la colonisation du continent par des métropoles différentes et de son morcellement en de multiples entités politiques indépendantes constitue une sérieuse difficulté qui pèse et pèsera encore sur les tentatives de regroupement en Afrique[3] [3] C. A. Diop, Les fondements économiques et culturels...
suite. Les divisions politico-idéologiques dont ils sont victimes, les divergences d’intérêts économiques et stratégiques qui les opposent attestent l’exacerbation du micro-nationalisme, l’abandon et la négation du panafricanisme. Les responsables politiques africains ne sont-ils pas à la hauteur des problèmes qui leur sont posés pour amorcer la voie d’une véritable union du continent ?, s’interroge Cheik Anta Diop.

10 Cette réflexion est d’autant opportune que le panafricanisme, qui est un legs transatlantique, ne put s’intégrer aux réalités politico-idéologiques du continent africain. S’il a servi de levain à la création de l’OUA en mai 1963, il ne put exorciser les maux dont souffrait l’institution à la veille de sa création.

11 Le présent article, en quatre points, explore, explique et analyse les péripéties et les difficultés qui ont émaillé le processus de la création de l’OUA.

I. AUX SOURCES DE L’INITIATIVE UNITAIRE EN AFRIQUE

12 Il est plus que nécessaire ici de s’appesantir sur les origines transatlantiques du panafricanisme et de reconnaître le rôle prépondérant joué par certains de ses précurseurs. Aussi faudrait-il savoir comment le mouvement a été transplanté en Afrique par les nouveaux leaders africains issus de la décolonisation du continent africain.

A. Le panafricanisme ou le legs transatlantique

13 La question de l’unité africaine puise ses origines dans le rude combat mené par les Noirs américains et antillais contre la domination blanche. Cette lutte, traduite en un élan de solidarité, s’est ensuite identifiée à l’union de tous les Noirs du monde dans le dessein primordial de briser l’oppression raciste des Blancs[4] [4] Ph. Decraene, Le panafricanisme, Paris, PUF,...
suite. Le mouvement était pan-nègre, sinon raciste à l’origine[5] [5] J. Buchmann, Paris, L’Afrique noire indépendante,...
suite. Les grandes figures de ce mouvement appelé panafricanisme sont, entre autres : le professeur et diplomate Blyden Edward (né en 1832 à Saint-Thomas dans les Caraïbes), Williams Henry Sylvester (avocat de Trinidad et inscrit au barreau anglais à la fin du XIXe siècle), le Dr W. E. Dubois (1868-1963 ; écrivain-journaliste, il naquit en 1868 dans un village du Massachusetts, près de Boston), Marcus Aurelus Garvey (1885-1940 ; Jamaïcain qui prônait le retour aux sources – «back to Africa»), Price-Mars Jean (1876-1969 ; né à Haïti), l’Antillais Padmore Georges (artisan et théoricien du panafricanisme ghanéen)[6] [6]Encyclopædia Universalis, vol.  12, p.  465. ...
suite.

14 En effet, la première initiative de regroupement en Afrique fut lancée par Edward Blyden. Professeur d’université, diplomate, ministre des Affaires étrangères et recteur d’université au Liberia de 1862 à 1884, Edward Blyden fut le premier à proposer et à envisager l’idée d’une « Fédération des États de l’Afrique de l’Ouest ». Il s’intéressa au continent africain à travers le commerce et l’islam[7] [7] L. Kaba, N’Krumah et le rêve de l’Unité...
suite. Mais, selon le Dr W. E. Dubois, c’est à la conférence de Westminster Hall du 23 au 25 juillet 1900 à Londres que Henry Sylvester William prononça pour la première fois le mot « panafricanisme »[8] [8] Ph. Decraene, op.  cit. , p.  12. ...
suite. Cependant, l’impulsion donnée au panafricanisme ou aux initiatives de regroupement en Afrique relève surtout de l’œuvre du Dr W. E. Dubois à travers la conférence de Manchester en 1945. Déjà à la conférence panafricaine de Paris, en 1919, il réclama, conformément aux principes proclamés par le président américain Woodrow Wilson, « le droit des peuples noirs à disposer d’eux-mêmes »[9] [9] G. Padmore, Panafricanisme ou communisme ?...
suite. En effet, il fut le premier leader noir américain à se rendre compte de l’importance des mouvements coloniaux de libération en tant que partie intégrante de la lutte des races de couleur d’Asie et d’Afrique. Il fut aussi le premier à prendre conscience de l’importance du développement d’une solidarité et d’une coopération plus agissante entre les Africains de naissance et les peuples d’ascendance noire vivant dans l’hémisphère Nord[10] [10] M. Sarr, La naissance de l’OUA, mémoire de...
suite. En somme, il incita les Noirs américains à renouer avec leurs origines africaines.

15 C’est dans cet esprit de solidarité transatlantique et dans la perspective d’une transplantation du panafricanisme en Afrique qu’il organisa la Conférence panafricaine de Manchester en 1945 avec, à ses côtés, les futurs leaders africains comme Kwamé N’Krumah, Namdi Azikiwe, Jomo Kenyatta, Wallace Johnson (Sierra Leone), Banda Hasting (Malawi). Mais étaient aussi de la partie Georges Padmore et Peter Adams[11] [11] Ph. Decraene, op.  cit. , p.  128. ...
suite. À ce congrès il exigea dès cette époque la réalisation de l’unité africaine dans les meilleurs délais. « Peuples colonisés et assujettis du monde, unissez-vous ! »[12] [12] A. Wade, Un destin pour l’Afrique, Paris,...
suite, s’écria alors N’Krumah.

B. Le panafricanisme et la naissance du nationalisme africain

16 Rappelons que, depuis la conférence de Paris en 1919, un secrétariat permanent du panafricanisme avait été créé. Il avait pour objet, d’une part, d’entretenir un contact régulier entre les représentants qui ont participé aux diverses rencontres panafricaines, et, d’autre part, de maintenir vivace l’idée panafricaine jusqu’à l’enracinement du nationalisme en Afrique[13] [13] M. Sarr, op.  cit. , p.  3. ...
suite. En effet, depuis la conférence de Manchester en 1945, le centre d’intérêt du panafricanisme s’est déplacé en Afrique sous l’impulsion du Dr Dubois, de Kwamé N’Krumah et de Georges Padmore, véritable théoricien et idéologue du panafricanisme politique[14] [14] J. Buchmann, op.  cit. , p.  154. ...
suite en Afrique. Par la réalité des événements, les luttes d’indépendance pour l’autodétermination et pour l’unité africaine, le panafricanisme ouvrit la vie au nationalisme africain, donc à l’anticolonialisme. Mais il fallut attendre les conférences d’Accra du 15 au 22 avril et du 6 au 13 décembre 1958 pour que l’esprit panafricaniste serve de levain à l’éclosion et à la prise en compte effective des idées panafricanistes.

17 Les artisans de ce nationalisme africain en terre africaine étaient entre autres Kwamé N’Krumah et son conseiller politique Georges Padmore, Namdi Azikiwe (Nigeria), Jomo Kenyatta (Kenya), Gamal Abd El Nasser (Égypte), Wallace Johnson (Sierra Leone), Banda Hasting (Malawi), Sékou Touré (Guinée)[15] [15] M. Sarr, op.  cit. , p.  12-13, 36. ...
suite.

18 Rappelons que la revue Présence africaine créée par Alioune Diop à Paris dans la perspective panafricaine avait organisé deux conférences panafricaines respectivement en 1956 à la Sorbonne, à Paris, et en 1959 à Rome, en Italie. Le congrès constitutif du PRA (Parti du Regroupement africain) du 25 au 27 juillet 1958 à Cotonou avait à son tour encouragé les initiatives d’union et de regroupement en Afrique, en engageant la lutte pour l’indépendance des États africains et en préconisant une Fédération multinationale des peuples libres et égaux basée sur la solidarité panafricaine. Les slogans du Congrès « Indépendance immédiate », « États-Unis d’Afrique » en disent assez long sur les engagements panafricanistes en Afrique. Mais l’enlisement des tensions nées de la guerre froide, l’opposition entre les fédéralistes et les antifédéralistes, les contradictions idéologiques entre l’Afrique modérée et l’Afrique progressiste, notamment entre le RDA et le PRA, et enfin les accessions à l’indépendance en ordre dispersé présageaient d’ores et déjà l’effritement du panafricanisme en Afrique. Pour cause, l’absence du RDA à la conférence panafricaine d’Accra du 6 au 13 décembre 1958 et la faible représentation des États de l’AOF à ladite conférence confirmaient déjà les divergences sur les modes et les méthodes de regroupement en Afrique[16] [16]Revue française d’études politiques africaines,...
suite.

19 Il en ressort que le panafricanisme, qui apparaît comme un legs transatlantique, a été mal interprété et mal intégré aux réalités politico-idéologiques en Afrique. Cependant la volonté de regroupement demeurait une réalité très vivace dans les mentalités et la vie politique en Afrique. Mais comment y procéder ? Et quelle forme de regroupement fallait-il adopter au lendemain des indépendances africaines ? En tout cas, il reste évident que l’idée de fédération et d’union africaine doit refléter chez tous les Africains, notamment chez les responsables politiques, un souci de survie. Il faut la réaliser solidement et dans les meilleurs délais[17] [17] C. A. Diop, op.  cit. , p.  31. ...
suite.

II. LES DEBATS SUR LA QUESTION DE L’UNITE AFRICAINE

20 À peine eut-elle été politiquement affranchie, l’Afrique fut tiraillée dans tous les sens. L’accession à l’indépendance semble avoir consacré, sur le continent, le développement du micro-nationalisme. Chaque État semblait plutôt préoccupé à défendre sa souveraineté et à rechercher les moyens de son développement rapide. En refusant d’accomplir l’acte qui consacre l’indépendance véritable, les nouveaux responsables africains ont ouvert la voie au néo-colonisalisme, c’est-à-dire la coopération. C’est pourquoi, déclarait le général de Gaulle : « Nous avons changé la colonisation en coopération parce que l’objet de la colonisation qui était de créer pour la métropole des zones d’influences politico-économiques et d’assurer le rayonnement de la civilisation métropolitaine était sauvegardé par la coopération. »[18] [18] E. Kodjo, op.  cit. , p.  123. ...
suite Les multiples liens de coopération, tissés entre chaque État et les anciennes puissances coloniales, attestent éloquemment cette réalité. Selon Vladimir Diodio, « chaque État essaie de balayer devant sa propre porte avant de balayer devant celle des autres »[19] [19]Revue française d’études politiques africaines,...
suite. Les indépendances africaines ont consacré la fin du panafricanisme, soulignait Yves Person[20] [20] J. Sanou, Les résolutions de l’OUA, mémoire...
suite. Cependant, le développement du micro-nationalisme cachait mal la volonté de regroupement et de coopération des États africains. Pour cause, chaque État, pris individuellement, avait parfaitement conscience de ses faiblesses et de ses limites pour défendre sa souveraineté, assurer son développement économique, mais aussi conscience de son incapacité face aux problèmes africains et internationaux[21] [21] F. Guy, Les conférences panafricaines et l’organisation...
suite. Ce réalisme des États africains dans leur conception des relations internationales fit naître l’impérieuse nécessité d’union et de regroupement.

21 Mais comment aborder cette impérieuse question d’unité de l’Afrique au moment où le continent se trouve déjà plongé dans une division idéologique sans précédent ? Comment organiser cette unité dans le contexte de la guerre froide, où chaque bloc semble persuadé, que sa logique le porte dans le lit majeur de l’Histoire et qu’il possède seul et exclusivement la vérité ? L’Afrique devenant l’enjeu de cette croisade Est-Ouest, les tentatives de regroupement apparaissent alors comme des tribunes de confrontation[22] [22] MM.  J. K. Dabire, Contribution à l’étude...
suite. C’est pourquoi, malgré la « volonté » de regroupement des États, les méthodes et les procédures adoptées, les objectifs envisagés en la matière n’ont jamais fait l’unanimité. Si certains leaders africains étaient favorables à l’abandon partiel ou total de leur souveraineté, c’est-à-dire le renforcement de l’exécutif fédéral au nom de l’unité régionale ou continentale, d’autres, au contraire, tenaient à la souveraineté de leurs États, craignant qu’une construction au sommet ne masque leurs réalités nationales[23] [23] Ph. Decraene, « Barthélémy Boganda ou du...
suite. Si les premiers étaient favorables au regroupement des États dans la perspective d’une unité continentale avec un gouvernement fédéral, les seconds, au contraire, souhaitaient l’émiettement des États en vue d’une cohésion des ethnies et des tribus[24] [24] G. d’Arboussier, « La coopération des États...
suite. À l’analyse de ces deux conceptions un dilemme s’impose. Comment fusionner « des États sans écarter certains leaders, ou sans que l’un ne domine l’autre [?] L’échec de l’Union des Républiques arabes unies (RAU) avec l’Égypte, la Syrie et le Yémen en 1961, celui de la Fédération du Mali en 1960 et celui de l’Union Ghana-Guinée en 1961 exposent avec évidence la problématique de l’union et de l’intégration des États africains »[25] [25] J. -B. Duroselle, Histoire diplomatique de 1919...
suite au lendemain des indépendances.

22 Après un rappel des tentatives de regroupement amorcées par les États panafricanistes avant 1960, nous aborderons les initiatives communautaires organisées par les États modérés au lendemain des indépendances.

A. Les initiatives de regroupement des États progressistes

23 À la veille des indépendances en Afrique, notamment en Afrique de l’Ouest, les initiatives d’union et de regroupement en dehors du cas du Conseil de l’Entente étaient surtout l’apanage des leaders fédéralistes, panafricanistes, voire révolutionnaires. Galvanisés par les conclusions de la conférence de Bandoung de 1955 et acquis aux idéaux du non-alignement, ces leaders ont organisé des rencontres panafricaines avec comme objet la quête de l’unité du continent africain.

24 La conférence panafricaine d’Accra du 15 au 22 avril 1958 s’inscrit dans cette logique. Elle se présente comme la première manifestation concrète du panafricanisme en terre libre d’Afrique et comme l’antithèse de la conférence de Berlin de 1885. Elle a réuni les premiers États indépendants d’Afrique, à savoir : le Libéria, l’Éthiopie, la Libye, le Maroc, le Soudan, la Tunisie, la République arabe unie (RAU), le Ghana[26] [26] M. Sarr, op.  cit. , p.  13. ...
suite.

25 La deuxième initiative de regroupement à caractère panafricaniste est le congrès constitutif du PRA du 25 au 27 juillet 1958 à Cotonou[27] [27] J. -B. Duroselle, op.  cit. , p.  729. ...
suite. Il proposa, malgré l’opposition du président Senghor, la création de l’Union africaine[28] [28] M. Sarr, op.  cit. , p.  2. ...
suite. Il envisagea l’indépendance immédiate des territoires africains encore sous domination coloniale et préconisa la création des États-Unis d’Afrique conformément aux recommandations de la conférence de Manchester de 1945[29] [29]Encyclopædia universalis, vol.  12, p.  466. ...
suite. La seconde conférence d’Accra appelée conférence panafricaine des peuples, organisée du 6 au 13 décembre 1958, a connu un succès éclatant. C’est dans cette dynamique que fut créée la Fédération du Mali en janvier 1959 et l’Union des États indépendants d’Afrique (UEIA) le 1er mai de la même année à Conakry. Cette union, qui prévoyait la création d’un Conseil économique, d’une défense commune et d’une citoyenneté pour les populations des États membres, s’est plus tard élargie au Mali pour constituer l’embryon des États-Unis d’Afrique. Peu après Sanniqueville, les présidents Kwamé N’Krumah, Sékou Touré et Toubman du Libéria se sont réunis du 16 au 19 juillet 1969 et créèrent la Communauté des États indépendants d’Afrique (CEIA). Mais, au lendemain des indépendances, ils exprimèrent leur conception et leur méthode de regroupement à travers la conférence de Lagos et celle d’Addis Abeba.

B. Les propositions des États modérés

26 Ces États, notamment ceux d’obédience française, s’étaient farouchement opposés au renforcement des exécutifs fédéraux en 1959 et ont manifesté leur antipathie vis-à-vis du panafricanisme. L’absence du RDA à la conférence panafricaine d’Accra du 6 au 13 décembre 1958 en est un témoignage éloquent. En optant pour l’Afrique des patries et pour l’émiettement de l’Afrique en de multiples unités indépendantes, les membres du groupe des modérés ont montré leur attachement aux États, à la souveraineté, à l’intégrité territoriale et à l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. La conférence d’Abidjan du 24 au 26 octobre 1960[30] [30] G. d’Arboussier, op.  cit. , p.  62. ...
suite et celle de Brazzaville du 15 au 19 décembre de la même année[31] [31] J. -B. Duroselle, op.  cit. , p.  729. ...
suite expliquent les méthodes et les conceptions de ce groupe en matière d’union et de regroupement.

La conférence d’Abidjan, du 24 au 26 octobre 1960

27 Elle avait un caractère régional et regroupait tous les chefs d’État africains d’expression française (à l’exception de la Guinée et du Mali)[32] [32] M. Ouedraogo, La Haute-Volta et la coopération...
suite. C’était la première grande manifestation d’union et de regroupement des États d’expression française mais aussi l’illustration d’un profond besoin d’association après l’éclatement des fédérations de l’AOF et de l’AEF en 1959[33] [33]Ibid. ...
suite. La conférence fut d’une portée très limitée. Sans aborder les problèmes de principe, elle s’est très rapidement intéressée à la question de l’unité africaine. Elle délibéra sur deux points, à savoir : le problème algérien et celui mauritanien.

28 Sur la question algérienne, la conférence décida que les États participants adoptent une position commune au cours des débats à l’assemblée générale des Nations Unies. Concernant le problème mauritanien, un accord unanime et spectaculaire fut conclu[34] [34] Archives nationales, Ouagadougou, Burkina-Faso,...
suite. Après une conférence test sur l’unanimité des États africains sur la question algérienne, intervint la conférence de Brazzaville.

La conférence de Brazzaville

29 Elle fut réunie du 15 au 19 décembre 1960 et regroupa tous les États d’Afrique francophone à l’exception du Mali, de la Guinée et du Togo. Ce groupe de Brazzaville, composé de 11 États francophones, était de tendance modérée très favorable à la coopération avec la France[35] [35] J. -B. Duroselle, op.  cit. , p.  729. ...
suite et le monde occidental. La conférence aborda le thème fondamental des rapports entre les États africains, d’une part, et l’adoption d’une politique commune, d’autre part, non pas sur la base des compromis comme à la conférence d’Abidjan, mais sur la base de la rigueur des principes. Sur ce point, deux orientations claires ont été définies : la volonté politique de créer une union véritable et le désir de matérialiser cette unité par une coopération économique[36] [36] M. Ouedraogo, op.  cit. , p.  190. ...
suite.

30 Pour la circonstance fut décidée la création d’un Comité d’études pour la monnaie, le crédit, les plans nationaux de développement. À la réunion du 30 janvier 1961 à Dakar et à celle de Yaoundé du 26 au 28 mars de la même année, le Comité d’études adopta d’importants textes. Le premier concernait : la concertation politique sur le plan international, la représentation diplomatique, la nationalité, la citoyenneté, la défense commune. Le second texte était relatif à l’adoption d’une position commune sur les questions internationales et interafricaines. Le troisième texte traitait de l’attitude à adopter à l’égard du Marché commun européen[37] [37]Ibid. ,LaDocumentation française, no 1066...
suite. Sur le plan politique, l’unité d’action des Onze s’est manifestée lors des débats à l’ONU sur le problème algérien. Si cette unité d’action du groupe de Brazzaville traduit leur amitié avec la France, elle traduirait aussi le principe de leur solidarité à l’égard de l’Algérie et de l’Afrique tout entière, car, déclarait M. Masmoudi, ministre tunisien de l’Information : « Si le problème algérien est déjà un problème international, ce qu’il faudrait éviter, c’est qu’il ne dégénère en guerre internationale. »[38] [38] G. d’Arboussier, op.  cit. , p.  63. ...
suite

31 Mais le groupe des Onze auquel plus tard s’est associé le Togo a connu beaucoup d’avatars parce que trop lié à l’Occident[39] [39] J. -B. Duroselle, op.  cit. , p.  729. ...
suite. La coopération économique qu’il développa entre ses États membres aboutit à la création de l’OAMCE (Organisation africaine et malgache de coopération économique) le 28 mars 1961 avec un support politique, l’UAM (Union africaine et malgache) dont la charte fut adoptée à la conférence de Tananarive du 6 au 12 septembre 1961[40] [40] M. Ouedraogo, op.  cit. , p.  191. ...
suite. Mais l’UAM, qui ne réussit pas à conclure un pacte militaire entre ses membres afin de maintenir les régimes en place, disparut en 1964.

32 Pendant que le groupe des modérés s’activait sur la scène interafricaine et internationale, celui des révolutionnaires entamait aussi son organisation par la création du groupe de Casablanca, suivie peu après par la création du groupe de Monrovia. Cette escalade des tensions idéologiques n’est pas étrangère à la crise congolaise.

III. LA DIVISION IDEOLOGIQUE DU CONTINENET LA FORMATION DES BLOCS

33 Cette division idéologique du continent existait déjà depuis la conférence de Bandoung de 1955 mais camouflée dans les conclusions générales de ladite conférence et dans l’effervescence de la lutte pour l’indépendance. C’est au fur et à mesure de la tenue des conférences sur le non-alignement que se dessina progressivement la division idéologique des États africains. En Afrique francophone, la dislocation de l’AOF et celle de l’AEF offrit un terrain fertile à l’émergence rapide des idéologies concurrentes. Aux idéologies panafricanistes, unitaires et continentalistes des fédéralistes se sont opposées les conceptions nationalistes, paternalistes et antifédérales du groupe des États modérés. Or, loin de se désintégrer, l’Afrique avait besoin de s’unir, de s’intégrer au moment même où l’ONU, sous la pression conjuguée des États-Unis et de l’URSS, lui envisageait une ouverture sur la scène internationale. Mais paradoxalement, au lendemain de la conférence de Brazzaville et dans la tourmente de la crise congolaise, la division idéologique du continent s’est cristallisée par la formation de deux blocs opposés, à savoir : le groupe de Casablanca et celui de Monrovia.

A. Casablanca ou le groupement transsaharien de janvier 1961

34 C’est le courant révolutionnaire africain avec, comme noyau, l’union Ghana-Guinée créée en 1958 par les leaders Kwamé N’Krumah et Ahmed Sékou Touré[41] [41] Y. Zerbo, Les relations franco-voltaïques de 1960...
suite. Cette union fut plus tard élargie au Mali pour donner l’Union des États africains. Son objectif était de réaliser l’unité africaine du Cap à Bizerte et d’Accra à Zanzibar[42] [42] A. Kontchou-Kouomegni, Le système diplomatique...
suite. Une rencontre réunissant ces trois États à d’autres États arabes au Maroc créa le groupe de Casablanca. En effet, c’est dans la tension de la crise congolaise et face à l’incapacité d’y trouver une alternative africaine que N’Krumah, appuyé par Mohamed V du Maroc et par Gamal Abdel Nasser d’Égypte, convoqua la rencontre de Casablanca du 5 au 7 janvier 1961. Étaient présents Kwamé N’Krumah, Sékou Touré, Modibo Keita, Gamal Abdel Nasser, le représentant personnel du roi Idris Ier de Libye, Ferhat Abbas d’Algérie, un observateur du gouvernement de Ceylan et Mohamed V, roi du Maroc. Le Togo, la Somalie, l’Éthiopie, le Libéria et le Soudan avaient décliné l’invitation[43] [43] L. Kaba, N’Krumah et le rêve de l’unité...
suite. Les participants à la conférence ont marqué leur solidarité par leur opposition radicale au colonialisme et par leur volonté de construire l’Afrique sur des bases institutionnelles plus révolutionnaires.

35 Conscients de l’enjeu de la crise congolaise et de la nécessité d’une union dynamique et révolutionnaire des États africains, les conférenciers de Casablanca ont adopté les révolutions suivantes :

36 consensus sur la crise congolaise (soutien à la révolution congolaise) ; —

37 condamnation des essais nucléaires au — Sahara (Bizerte en Tunisie) ; elle concernait surtout la France mais aussi l’URSS qui envisageait de reprendre ses expériences nucléaires ;

38 l’aide au gouvernement de Lumumba Gizenga ; —

39 l’indépendance de l’Algérie ; —

40 la nécessité de la coopération interafricaine. —

41 Bien d’autres résolutions ont été adoptées et toutes consignées dans un document appelé « charte de Casablanca »[44] [44]Ibid. , p.  153. ...
suite. Cette nouvelle organisation politique entendait se démarquer des anciennes puissances coloniales et observer une amitié prononcée avec les pays de l’Est. La création du groupe de Casablanca a provoqué une réplique de la part des États modérés qui créèrent dès mai 1961 le groupe de Monrovia[45] [45] A. Kontchou-Kouomegni, op.  cit. , p.  55. ...
suite.

B. Le groupe de Monrovia de mai 1961

42 Ce groupe est une émanation du groupe de Brazzaville créé en décembre 1960 au Congo. Il est composé de 12 États francophones indépendants. À ces 12 États se joignirent au printemps 1961 d’autres États, non membres du groupe de Casablanca pour créer le groupe de Monrovia[46] [46]Ibid. , p.  56. ...
suite. Cette seconde vague d’États était composée du Libéria, de la Sierra Leone, du Nigeria, du Togo, de la Somalie, de la Tunisie, de l’Éthiopie et de la Libye.

43 Ce groupe formé à la conférence de Monrovia du 8 au 12 mai 1961 sur l’initiative des chefs d’État de la Côte-d’Ivoire, du Nigeria et de l’Éthiopie, se voulait une réplique à la création du bloc transsaharien de Casablanca. Son but était de réfléchir sur la crise congolaise et de tracer les perspectives d’une unité d’action des États africains face aux problèmes internationaux[47] [47] L. Kaba, op.  cit. , p.  155. ...
suite. Ce nouveau groupement politique, notamment favorable aux anciennes puissances coloniales, préconisait, dans son programme d’action : une coopération égalitaire entre les États africains, le respect de l’intégrité territoriale des États, le rejet du panafricanisme et une volonté bienveillante à l’égard de l’Occident[48] [48] Y. Zerbo, op.  cit. p.  175. ...
suite.

44 La création de ce deuxième bloc aiguisa les contradictions politico-idéologiques entre les États africains. L’opposition entre ces deux blocs était si manifeste que la lettre de Gilbert Pongault (secrétaire général de l’Union panafricaine des travailleurs croyants) au président du Congo Brazzaville en date du 31 août 1961 est d’une rare clarté : « J’ose, Monsieur le Président, attirer votre attention sur l’importance de la prochaine conférence syndicale panafricaine de Dakar. Cette conférence a été décidée à Genève lors de la dernière session de la conférence du travail en vue de déjouer les manœuvres des éléments procommunistes. La Fédération syndicale panafricaine créée à Casablanca n’est autre qu’un instrument de subversion au service des États de Casablanca et du bloc de l’Est. Le fait que ces gouvernements aient donné 35 millions de francs CFA pour la réalisation de la conférence de Casablanca prouve nettement le bien-fondé de nos inquiétudes. Nous savons aussi que d’autres fonds importants viennent d’être mis à la disposition de cette organisation pour intensifier la propagande et encourager la création de nouveaux syndicats à leur dévotion. Ils vont ainsi promouvoir et organiser toute action susceptible de créer de l’agitation dans les États qui échappent à leur influence. »[49] [49] Archives nationales Ouagadougou, Archives de...
suite

45 Mais la conférence de Lagos de 1962 et les accords d’Évian consacrant la fin de la guerre d’Algérie vont contribuer à aplanir les contradictions entre les deux groupes. C’est le temps des concessions et des compromis dans une perspective unitaire.

IV. DES CONCESSIONS POLITIQUES A LA CREATION DE L’OUA

46 L’intensification des événements internationaux et la nécessité d’une unité d’action des États africains ont ouvert la voie du rapprochement des membres du groupe de Casablanca et de celui de Monrovia. En se donnant comme objectif l’unité africaine, la conférence de Lagos semble avoir aplani les contradictions entre les deux groupes idéologiques. Ce rapprochement s’est opéré, au départ, par l’isolement du président ghanéen soupçonné de mener des activités subversives contre les pays voisins[50] [50] L. Kaba, op.  cit. , p.  159. ...
suite. Il est accusé d’être impliqué dans l’assassinat du président togolais Sylvanius Olympio le 13 janvier 1963. Lors d’une rencontre en mi-février 1963, les trois présidents F. Houphouët-Boigny, Sékou Touré et Modibo Keita condamnèrent collectivement les activités subversives et les ingérences dans les affaires intérieures des États. Ils ont souhaité l’organisation d’une rencontre à l’échelle continentale[51] [51]Ibid. , p.  160. ...
suite. En déclarant que la Guinée est prête à abandonner l’Union Ghana-Guinée-Mali pour une plus vaste coopération au niveau continental, le président guinéen semblait opter pour une coopération avec les États modérés au détriment du Ghana désormais isolé.

A. La conférence de Lagos de 1962 ou l’assouplissement des contradictions

47 Organisée par les États modérés, cette conférence s’inscrivait dans la logique des conclusions de Brazzaville et de celles de Monrovia dont elle approuvait et intégrait les principes. Dans le contexte de la guerre froide, la conférence était à la recherche d’une alternative africaine à la paix mondiale et à la coopération interafricaine. Mais pourquoi cette recherche obstinée de la paix et de la coopération interafricaine ?

48 Au lendemain des indépendances africaines, et même bien avant, la probabilité d’un troisième conflit mondial hantait les esprits. Le développement des théories sur l’inévitabilité d’un troisième conflit mondial confirmait davantage cette hantise des leaders politiques africains. Selon les théoriciens socialistes, l’inévitabilité d’une éventuelle guerre serait liée soit à la nature de l’homme, soit à la nature des régimes politiques dans lesquels vivent les États. Des débats théoriques entre l’URSS et la Chine il ressortait que l’inévitabilité de la guerre proviendrait de l’existence même du régime impérialiste, lui-même successeur du régime capitaliste. En prônant la théorie de la coexistence pacifique, Khrouchtchev entendait alors éviter cette éventuelle crise entre l’URSS et le bloc occidental. Or, selon les conclusions de la conférence de Brazzaville, le problème de la coexistence pacifique ne se pose ni entre pays capitalistes et pays socialistes, ni entre pays développés. Elle se pose plutôt entre pays pauvres et pays développés, car, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la plupart des conflits qui ont été déclenchés ont eu lieu à l’intérieur des pays pauvres. Dans ces pays pauvres en guerre, soit les deux camps se disputent la suprématie, soit la métropole veut s’imposer (voir guerre de Corée, d’Indochine et d’Algérie, crise congolaise...).

49 À la lumière de toutes ces considérations, la conférence de Lagos s’est donné comme objectif principal la recherche de l’unité africaine. Cette unité devait être organisée sous une forme confédérale qui impliquerait le respect de la souveraineté des États et de leurs différences. Pour y parvenir, le principe de la légalité et de la primauté du droit (the rule law) fut adopté. Ce principe fut une contribution essentielle dans la démarche de l’Afrique vers son unité.

50 En outre, la conférence proposa le renforcement des principes de Brazzaville à la lumière de la situation intérieure des États (sous-développement, crises politiques). En cela, elle exigea que les constitutions et l’organisation interne des États respectent la démocratie et les institutions, favorisent le développement économique pour tout homme et pour tous les hommes.

B. La conférence d’Addis-Abéba et la création de l’OUA

51 Il s’agira, dans ce volet, d’exposer la nécessité du regroupement des États africains et de décrire les organes et les principes adoptés par l’OUA.

Le besoin d’unité

52 La conférence au sommet d’Addis-Abéba se présente comme une chance pour l’Afrique. Elle a été préparée du 15 au 21 mai 1963 par une conférence des ministres des Affaires étrangères des pays participants. Elle fut ouverte du 23 au 25 mai 1963 avec 30 pays participants dont 8 pays arabes : l’Algérie, la Libye, la Mauritanie, les Républiques arabes unies (RAU), la Somalie, le Soudan, la Tunisie et, plus tard, le Maroc[52] [52] Ph. Decraene, Le panafricanisme,op.  cit. ...
suite.

53 À la volonté d’union de tous les peuples noirs s’est substituée celle des peuples africains décolonisés, noirs ou non, sans distinction de leurs espaces géopolitiques ou de leurs appartenances idéologiques[53] [53] J. Sanou, Les résolutions de l’OUA, mémoire...
suite. Convaincus désormais de la nécessité de l’unité africaine, et eu égard aux limites et à l’incapacité de leurs États à faire face aux problèmes africains et internationaux, les responsables africains ont décidé de noyer leurs divergences pour défendre l’intérêt du continent. En témoigne cette lettre de Philibert Tsiranana (président malgache) à son homologue de Haute-Volta Maurice Yameogo au sujet de la crise congolaise :

« Les exactions et les agissements de désagrégation auxquels se livre actuellement l’ONU au Congo et plus particulièrement au Katanga sont à la connaissance de Leurs Excellences réunies présentement à Tananarive. Nous saisissons l’occasion providentielle de votre réunion pour prier d’entreprendre une prompte intervention. Votre démarche est susceptible de freiner et même d’arrêter les assauts dont nous sommes victimes. Les exactions et les agissements de l’ONU au Katanga constituent un précédent dangereux contre la souveraineté des jeunes États africains. »[54] [54] Archives nationales Ouagadougou, Archives de...
suite

54 Ainsi déclarait le président Ahmed Sékou Touré : « Aucune des nations prise individuellement ne saurait représenter valablement l’Afrique, ni réhabiliter ses peuples... La contribution de l’Afrique à la vie de l’humanité requiert, de tous les peuples africains, leur présence consciente et leur unité d’action sur le chantier de l’édification du bonheur universel. »[55] [55] J. Sanou, op. cit, p.  40. ...
suite Quant au leader ghanéen Kwamé N’Krumah, il déclara : « Nous sommes déjà parvenus au stade où nous devons nous unir ou sombrer dans cet état où l’Amérique latine est devenue, contre son gré, la triste proie de l’impérialisme après un siècle et demi d’indépendance politique. »[56] [56]Ibid. , p.  41. ...
suite Quant au président L. S. Senghor, il souligne : « Si nous voulons bâtir une Afrique unie, nous devons le faire solidement et, pour cela, la fonder sur nos convergences culturelles, non sur nos divergences politiques, car ce qui nous lie est au-delà de l’histoire, il tient à la géographie, à l’ethnie, et partant à la culture ; il est antérieur au christianisme, à l’islam, il est antérieur à toute colonisation. »[57] [57]Ibid. , p.  40. ...
suite

55 L’objectif de l’unité est, d’une part, de renforcer la solidarité entre les États africains et malgache, et, d’autre part, de coordonner leur coopération pour offrir de meilleures conditions d’existence aux peuples africains. C’est ainsi que l’OUA a pu être créée le 25 mai 1963 à Addis-Abéba avec ses principes et ses organes de fonctionnement.

Les principes et les organes de l’union

56 Pour atteindre ces objectifs, les principes suivants ont été adoptés :

57 égalité absolue des États membres de l’OUA ; —

58 non-ingérence dans les affaires intérieures des États ; —

59 respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États ; —

60 règlement pacifique des conflits ; —

61 condamnation des activités subversives —[58] [58] Ph. Decraene, op.  cit. ...
suite ?

62 En effet, l’OUA repose sur trois principes fondamentaux, à savoir : l’africanité considérée comme ensemble des valeurs culturelles arabo-berbères, la négation du colonialisme et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes[59] [59] J. Sanou, op.  cit. , p.  37. ...
suite. Ses principaux organes sont : le Conseil des chefs d’État ; le Conseil des ministres ; les commissions, au nombre de quatre (la Commission de médiation, la Commission économique, la Commission pour l’éducation et la culture, la Commission pour la santé). S’y ajoutent deux conseils : le Conseil pour la défense et le Conseil scientifique[60] [60] Ph. Decraene, op.  cit. , p.  58. ...
suite.

63 Par ailleurs, six résolutions ont été adoptées. De l’analyse des principes il ressort que la charte constitutive de l’OUA consacre la victoire des États modérés conservateurs : Afrique des patries, intégrité territoriale, politique des États, souveraineté. Mais le groupe de Casablanca y trouvait aussi son compte à travers l’anticolonialisme et l’engagement de l’OUA pour les luttes de libération[61] [61] K. A. Kontchou, op.  cit. , p.  157. ...
suite.

64 En effet, dès 1963, l’anticolonialisme fut l’axe principal de l’action de l’OUA, symbolisée par la création du Comité de libération de l’Afrique avec son siège à Dar es-Salam (Tanzanie), la diversification de l’aide aux mouvements de libération et le choix comme premier secrétaire général de l’OUA (et de son adjoint) de ressortissants des pays du groupe de Casablanca (Guinée-Égypte). Ils ont marqué l’OUA de tout leur dynamisme.

Conclusion

65 La création de l’OUA était un compromis, et même un compromis laborieux, entre partisans et détracteurs du supranationalisme. Les partisans pour un gouvernement continental panafricain, loin d’être satisfaits, espéraient influencer plus tard le cours des événements. Tout laissait rêver à une évolution vers la réalisation d’une véritable unité du continent.

66 Au regard des événements actuels en Afrique avec ses multiples difficultés, l’Afrique n’aurait-elle pas raté son entrée dans la société internationale ? Si l’Afrique révolutionnaire l’avait emporté à Addis-Abéba, les conflits internes, les problèmes frontaliers et les coups d’État répétés y seraient-ils d’actualité ? L’Afrique n’aurait-elle pas plus de considération que l’image qu’elle incarne aujourd’hui sur l’échiquier international ?

67 À l’analyse des événements qui ont conduit à sa création, l’OUA demeure une institution dont les problèmes restent encore entiers tant sur les plans politique, économique, social, idéologique que juridico-institutionnel. N’Krumah aurait-il eu raison quand il déclarait au sommet d’Addis-Abéba en 1963 : « Le retard à la réalisation véritable de l’unité africaine approfondit nos différences et nous jette dans le filet des néo-colonialismes. Et il nous fera perdre à jamais la course solennelle vers la rédemption totale de l’Afrique »[62] [62] L. Kaba, op.  cit. , p.  174. ...
suite ?

 



31/05/2012
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