La vie en Vérité

La vie en Vérité

Rapport du Secrétaire Général au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies

Promotion d'une paix durable

Mesures pratiques à prendre pour assurer la paix et un développement durable


Dans son rapport au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies, le Secrétaire général fait remarquer que, malgré les nombreux efforts déployés pour résoudre les conflits armés en Afrique et les succès croissants remportés ces dernières années à cet égard, la paix durable reste un objectif difficile à atteindre sur le continent. Il estime que la persistance des conflits en Afrique compromet les efforts menés notamment par l'Organisation des Nations Unies car elle touche au coeur du mandat de cette dernière. "L'ONU n'a en effet pas d'objectif plus élevé, d'engagement qui lui tienne plus à coeur, d'ambition plus haute que de prévenir les conflits armés".

M. Annan déclare qu'il est donc à présent nécessaire de réexaminer objectivement et honnêtement l'expérience acquise par l'Organisation des Nations Unies et autres entités en Afrique. À cet effet, et dans le but de faire évoluer le débat sur les problèmes et le potentiel de l'Afrique, le Secrétaire général analyse les causes politiques, historiques, économiques et sociales des conflits en Afrique. Il tire des conclusions claires après avoir examiné honnêtement les échecs et les succès de précédentes initiatives de rétablissement et de maintien de la paix que d'opérations humanitaires et d'initiatives entreprises après des conflits en Afrique. Les conflits et la paix ne peuvent être abordés séparément mais doivent être envisagés dans une perspective plus globale. Il faut pour cela tenir compte non seulement des causes complexes des conflits, mais également de la nécessité d'une bonne gouvernance et d'un développement durable qui contribuent à mettre en place les conditions d'une paix durable. Bien qu'il soit avant tout analytique, le rapport du Secrétaire général comprend plusieurs recommandations pratiques pour l'Afrique, l'Organisation des Nations Unies et la communauté internationale (voir p. 2).

Le rapport fait suite à une demande présentée par le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies, qui s'est réuni le 25 septembre 1997 au niveau des ministres des affaires étrangères pour examiner le problème des conflits en Afrique. Considérant le caractère multidimensionnel de la question, M. Annan soumet le rapport non seulement au Conseil de sécurité, mais également à l'Assemblée générale et aux autres organes du système des Nations Unies dont les responsabilités englobent l'Afrique, y compris la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.

Le rapport du Secrétaire général brosse également un tableau plus général. "L'Afrique s'efforce aujourd'hui de redresser sa situation et, dans de nombreux pays, ces efforts commencent à porter leurs fruits" dit le Secrétaire général. "Que le carnage et la tragédie qui sévissent dans certaines parties du continent n'occultent pas les signes favorables ou les succès remportés." Ces progrès laissent espérer que les facteurs qui déclenchent les conflits seront mieux maîtrisés qu'ils ne l'ont été par le passé mais ils rendent également les efforts à accomplir plus urgents encore afin que les réussites puissent être consolidées et multipliées.

 

Les causes des conflits

M. Annan explique que les causes des conflits qui se déroulent en Afrique reflètent la diversité et la complexité du continent.

Les puissances coloniales ont légué à l'Afrique non seulement des frontières arbitraires qui ont contribué à susciter des conflits entre les États et rendu l'unité nationale plus difficile mais aussi une tradition d'autoritarisme. Trop souvent, les dirigeants des États qui avaient accédé à l'indépendance ont centralisé à l'excès le pouvoir politique et économique et supprimé le pluralisme politique. Le Secrétaire général fait observer que cela a "souvent donné naissance à la corruption, au népotisme, à un sentiment d'impunité et à des abus de pouvoir". Dans de nombreux pays, "les vainqueurs politiques remportaient tout" et les enjeux sont devenus dangereusement élevés. Dans les pays multiethniques, comme le sont la plupart des pays d'Afrique, une telle compétition peut conduire à une politisation violente de l'ethnicité.

Dans certaines régions comme l'Afrique centrale, les conflits sont exacerbés par la compétition pour des ressources en eau et en terres peu abondantes. Le rapport note que lorsque des réductions importantes des dépenses sociales dues "à des programmes d'ajustement structurel draconiens" sont associées "au fait que certains groupes sociaux ont le sentiment d'être lésés par la répartition de ressources de plus en plus maigres", les risques de conflits sont encore plus grands.

En outre, M. Annan dit que malgré les ravages que provoquent les conflits armés, "nombreux sont ceux qui profitent de l'anarchie" et qui ont intérêt à prolonger la guerre. Au Libéria, par exemple, l'un des objectifs majeurs des factions en présence était le contrôle de l'exploitation des diamants, du bois et d'autres matières premières, et en Angola, les difficultés auxquelles ne cesse de se heurter le processus de paix sont dues pour beaucoup à l'importance que revêt le contrôle de l'exploitation des gîtes diamantifères lucratifs du pays.

Avec la fin de la guerre froide -- durant laquelle la rivalité entre les superpuissances a alimenté certains des conflits les plus longs et les plus meurtriers qu'ait connus l'Afrique -- les interventions étrangères en Afrique ont diminué, mais le Secrétaire général affirme qu'elles n'ont pas cessé complètement. "La rivalité se portant sur le pétrole et d'autres ressources précieuses de l'Afrique, les intérêts extérieurs à l'Afrique continuent de jouer un rôle important, parfois décisif -- s'agissant tant de prévenir les conflits que de les attiser." Les marchands d'armes internationaux sont parmi les premiers à profiter des conflits, fait-il observer. Les interventions étrangères ne sont d'ailleurs pas limitées à des sources situées hors de l'Afrique : "il faut bien reconnaître le rôle que certains gouvernements africains jouent pour soutenir, voire pour fomenter des conflits chez leurs voisins."

Agir face aux situations de conflit

Au cours de la période qui a immédiatement suivi la fin de la guerre froide, fait observer le Secrétaire général, la communauté internationale a appuyé des initiatives ambitieuses en Afrique et ailleurs dans le domaine du maintien et du rétablissement de la paix. Celles-ci ont remporté quelques succès importants, comme les règlements d'ensemble qui ont mis fin à de longs conflits en Namibie et au Mozambique. Néanmoins, le fait que l'ONU n'ait pas pu rétablir la paix en Somalie, qui a conduit le Conseil de sécurité à prendre la décision sans précédent de mettre fin à une mission de l'ONU avant son achèvement "a fait perdre à la communauté internationale le goût de l'intervention dans les conflits et l'a rapidement amenée à prendre ses distances vis-à-vis du maintien de la paix ailleurs dans le monde".

L'une des conséquences tragiques, selon M. Annan, "a été que la communauté internationale, y compris l'Organisation des Nations Unies, ne soit pas intervenue pour prévenir le génocide au Rwanda". Le "sentiment que la communauté internationale était pratiquement indifférente a laissé un souvenir empoisonné qui explique que dans bien des cas, les Africains font, aujourd'hui encore, beaucoup moins confiance à l'ONU".

Dans ce contexte, le Secrétaire général passe en revue quatre types de mesures de nature à prévenir ou à réduire les conflits en Afrique -- à savoir le rétablissement de la paix, le maintien de la paix, l'aide humanitaire et la consolidation de la paix après les conflits -- et propose des moyens susceptibles d'en renforcer l'efficacité.

 

Rétablissement de la paix :

Le Secrétaire général insiste sur le fait que les dispositifs d'alerte rapide permettant d'appeler l'attention sur des conflits imminents ne servent à rien s'ils ne déclenchent pas une action rapide. Les interventions diplomatiques rapides constituent le moyen le plus rentable de prévenir, d'enrayer et de dénouer les crises. La négociation, la médiation, les missions de bons offices et autres initiatives visant à promouvoir la réconciliation nationale et le respect des droits de l'homme et à institutionnaliser la paix sont autant de voies possibles. L'ONU, de même que l'Organisation de l'unité africaine (OUA), ont pour mission de faciliter la mise en place de processus de paix là où ils s'avèrent nécessaires. Le Secrétaire général propose des solutions pour améliorer ces initiatives de rétablissement de la paix.

    • L'action en faveur de la paix doit être mieux coordonnée et plus soigneusement planifiée. À cette fin, l'Organisation des Nations Unies a créé un Comité exécutif pour la paix et la sécurité usous la tutelle du Secrétaire général adjoint aux affaires politiques et a récemment mis sur pied un bureau de liaison des Nations Unies au siège de l'OUA à Addis-Abeba (Éthiopie). La coordination entre l'ONU, l'OUA et les organisations africaines sous-régionales doit aussi être renforcée, en partie pour faciliter l'adoption par les États voisins de positions communes face aux conflits.
    • Il convient d'éviter la multiplication des initiatives concurrentes. À ce propos, M. Annan signale la nomination d'un Représentant spécial commun ONU/OUA pour la région des Grands Lacs ainsi que l'appui fourni par l'ONU à l'ancien Président de la Tanzanie, Julius Nyerere, dans la crise du Burundi et aux efforts de médiation du Togo dans le différend territorial qui opposait le Nigéria et le Cameroun.
    • Pour mobiliser plus efficacement l'appui de la communauté internationale en faveur des efforts de paix, on peut recourir plus largement à des groupes de contact réunissant les pays concernés et convoquer des conférences spéciales pour appeler l'attention sur les problèmes et besoins.

 

  • Le Secrétaire général affirme que, si les sanctions peuvent se révéler être des outils performants, "les sanctions économiques sont des instruments grossiers" infligeant parfois de graves souffrances à la population civile sans véritablement toucher les protagonistes. Il propose donc que les sanctions visent plus spécifiquement les dirigeants et leurs proches, par exemple en gelant leurs avoirs personnels et en restreignant leur liberté de déplacement. Un embargo sur les livraisons d'armes signifie que les pays exportateurs d'armes doivent non seulement s'abstenir de signer des contrats d'armements avec les belligérants mais également dissuader leurs ressortissants et leur fabricants de violer les sanctions. M. Annan propose que les États Membres fassent de la violation d'un embargo sur les armes décrété par le Conseil de sécurité un délit punissable dans leur législation nationale.
  • Pour limiter plus efficacement les exportations d'armes dans les zones de conflit, il importe d'identifier les marchands d'armes internationaux et leurs activités. D'après M. Annan, "nulle autre initiative ne permettrait mieux de combattre ce trafic" et il propose que le Conseil de sécurité examine d'urgence le rôle que pourrait jouer l'ONU dans la compilation, la recherche et la publication de ces informations. Il propose en outre que les pays africains ramènent leurs dépenses d'armements au-dessous de 1,5 % de leur produit intérieur brut (PIB) et s'engagent à ne pas augmenter leur budget de la défense pendant les 10 années à venir. Ces pays devraient aussi fournir des données au Registre des armes classiques de l'Organisation des Nations Unies dont l'objectif est de surveiller les principaux systèmes d'armes classiques (à l'heure actuelle, seuls sept pays africains communiquent des informations).

 

Maintien de la paix :

Sur les 32 opérations de maintien de la paix lancées par l'ONU depuis 1989, 13 ont été déployées en Afrique, soit plus que dans n'importe quelle autre région du monde. Toutefois, le Secrétaire général admet que le souvenir de l'expérience des Nations Unies en Somalie "continue d'entraver l'action de l'Organisation, qui a du mal à réagir rapidement et de manière décisive en cas de crise". Il convient donc de réexaminer les initiatives de maintien de la paix lancées par l'ONU en Afrique afin d'éviter des tragédies comme celle qu'a connue le Rwanda. Le Secrétaire général affirme que la communauté internationale "ne devra plus jamais tolérer une telle inaction".

  • Comme il ressort de l'expérience somalienne, les opérations de maintien de la paix menées sans l'accord des principales factions belligérantes peut aller à l'encontre du but recherché. Si la mise en oeuvre d'un plan de règlement global, comme en Namibie et au Mozambique, donne les meilleurs résultats, des accords plus limités peuvent aussi permettre aux soldats de la paix des Nations Unies d'intervenir pour séparer les parties au conflit.
  • Il est possible de recourir plus souvent aux déploiements préventifs de soldats de la paix des Nations Unies. La prise d'une telle "initiative quand un conflit menace" trouve son expression dans la décision prise par le Conseil de sécurité en mars 1998 de déployer une nouvelle Mission des Nations Unies en République centrafricaine (MINURCA), dont le mandat prendra effet le 15 avril pour une période initiale de trois mois, et qui fait suite aux précédentes initiatives africaines de médiation et de maintien de la paix.
  • Le Secrétaire général affirme qu'il convient d'aider l'Afrique à être mieux à même d'organiser des missions de maintien de la paix. Il engage tous les pays à verser des contributions aux Fonds d'affectation spéciale établis à cette fin par l'ONU et l'OUA. À son avis, les initiatives régionales sont à la fois nécessaires et souhaitables, mais il n'est pas possible de déléguer toutes les responsabilités exclusivement aux organisations régionales en raison de leurs capacités limitées, et du fait que certains États Membres risquent de ne pas être neutres dans certains conflits. Le fait de soutenir les efforts déployés par l'Afrique en matière de maintien de la paix et de prévention des conflits n'a "nullement pour objectif de dégager la communauté internationale dans son ensemble des obligations qui lui incombent".
  • Lorsque l'ONU autorise le recours à la force par les États Membres, comme cela a été le cas pour la Force d'intervention unifiée placée sous la conduite des États-Unis en Somalie, le Secrétaire général propose de renforcer les moyens dont dispose le Conseil de sécurité pour superviser les activités ainsi autorisées.

 


Photo UNICEF / Betty Press
Acheminement des secours aux réfugiés :
Des orphelins rwandais sont enregistrés dans un camp de réfugiés en République démocratique du Congo. Il est désormais admis qu'il faut empêcher les combattants armés de pénétrer dans les camps de réfugiés.
Aide humanitaire :

Dans le contexte des crises complexes que traverse l'Afrique aujourd'hui, il est important de s'interroger sans complaisance sur les modalités et les fins de l'aide humanitaire, souligne M. Annan. Ceci est d'autant plus vrai que, dans les situations de crise, les normes humanitaires sont moins respectées : certains belligérants prennent délibérément des populations civiles comme cibles, violent systématiquement les femmes et leur font subir d'autres atrocités et tentent d'utiliser les secours humanitaires à des fins politiques. Ainsi, malgré les appels du Secrétaire général actuel et de son prédécesseur ainsi que du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, la communauté internationale n'a pas soutenu les efforts faits pour séparer les anciens combattants des réfugiés véritables dans les camps en République démocratique du Congo, près de la frontière rwandaise. Et, note Kofi Annan, des "hommes en armes dissimulés au milieu des populations déplacées restent un facteur d'insécurité dans toute la région".

Dans ces circonstances, M. Annan avance plusieurs propositions :

    • Le Secrétaire général souligne que le respect des règles de protection humanitaire et des droits de l'homme reste une des priorités de l'ONU. Il recommande que les combattants soient tenus, de par le droit international, de verser une réparation financière aux civils qu'ils auront délibérément attaqués. Il conviendrait, selon lui, d'établir aux fins de dédommagement un dispositif juridique international qui faciliterait les recherches et la saisie des avoirs des combattants incriminés et de leurs chefs.

 

    • Par le passé, les contributions volontaires n'étaient pas suffisantes pour financer le déploiement de missions spéciales dans le domaine des droits de l'homme. M. Annan recommande qu'à l'avenir ces missions soient financées à l'aide des quotes-parts.
    • Le Secrétaire général préconise la création d'un dispositif international qui permette d'aider les pays d'asile à maintenir la sécurité et la neutralité dans les camps ou zones de regroupement de réfugiés.

 

    • Les activités de diverses organisations humanitaires se recoupent souvent, ce qui entraîne une duplication d'efforts. La coordination de l'aide humanitaire reste une des plus grosses difficultés de l'intervention de la communauté internationale face aux conflits en Afrique. M. Annan rappelle diverses mesures déjà prises par l'ONU pour mieux coordonner ses activités humanitaires et pour assurer leur compatibilité avec les activités de maintien de la paix et de développement en général.

 

  • Si assister les victimes d'un conflit est un impératif moral, il s'agit alors de remédier aux effets d'une situation, sans en viser les causes. C'est pourquoi, le Secrétaire général souligne qu'il est important que l'aide humanitaire ne serve pas à remplacer l'action politique, sans s'attaquer aux causes profondes du conflit.

 

Consolidation de la paix après les conflits :

Une fois les conflits terminés, il est essentiel de prendre des mesures pour affermir la paix et prévenir une reprise des hostilités. Ceci exige plus que des décisions purement diplomatiques ou militaires, un effort cohérent de consolidation de la paix est nécessaire pour éliminer les causes multiples d'un conflit ou d'un risque de conflit. La consolidation de la paix peut alors comporter la création et le renforcement d'institutions nationales, la surveillance d'élections, une action de défense des droits de l'homme, l'organisation de programmes de réinsertion et de relèvement et la recherche des conditions de la reprise du développement. "Dans les situations où il faut consolider la paix après un conflit, l'exigence fondamentale et initiale est la sécurité publique, c'est-à-dire une paix réelle et l'accès aux équipements sociaux essentiels", note le Secrétaire général. L'intervention doit être rapide, menée sur plusieurs fronts et correctement financée et l'action de nombreux acteurs doit être coordonnée au plus haut niveau sur le plan aussi bien stratégique qu'administratif.

 

    • Les éléments entrant dans l'action de consolidation de la paix doivent être précisés, dégagés clairement, intégrés dans les mandats successifs de l'opération de maintien de la paix.

 

    • Outre qu'il faut accorder une attention particulière au financement de microprojets à effet rapide pouvant aider la réintégration d'anciens combattants, de réfugiés et de déplacés, il faudrait aussi, selon le Secrétaire général, envisager de "rendre moins rigoureuses les conditions financières normalement strictes imposées par les institutions financières internationales" aux gouvernements. "Si une réforme économique est nécessaire, il faut examiner les moyens de proposer un programme d'ajustement structurel pleinement compatible avec la paix, tout en libéralisant les conditions qui accompagnent normalement les prêts accordés par les institutions de Bretton Woods".

 

  • Le caractère multidimensionnel de la consolidation de la paix après les conflits exige une bonne coordination, dit M. Annan. Ainsi, au Libéria, l'ONU a ouvert son premier bureau de soutien à la consolidation de la paix, qui a pour but à la fois de renforcer et d'harmoniser l'action de l'ONU et de mobiliser le soutien international à la reconstruction et au relèvement du pays et aux efforts de réconciliation et au respect des droits de l'homme au Libéria.

 

Paix et développement :

La paix ne sera solidement établie en Afrique que si le continent s'attache à la fois à assurer une bonne gouvernance et un développement durable, souligne le Secrétaire général, qui consacre tout un chapitre de son rapport aux conditions politiques, économiques et sociales générales qu'il importe d'instaurer pour éviter les conflits.

Le respect des droits de l'homme et la primauté du droit sont l'un des fondements de toute oeuvre de paix durable et les bases mêmes d'un bon gouvernement, déclare le Secrétaire général, qui exhorte tous les États africains à ratifier les instruments que les Nations Unies ou les institutions proprement africaines ont établis pour protéger les droits fondamentaux et à en intégrer sans attendre les dispositions dans leur législation. La loi, rappelle encore le Secrétaire général, doit être appliquée équitablement et impartialement, car si elle ne produit pas les mêmes effets pour tous les citoyens également, ou si elle est particulièrement rigoureuse pour certains groupes, "elle devient la cause du ressentiment populaire et alimente elle-même la violence". Les gouvernements africains doivent aussi faire de la lutte contre la corruption "une authentique priorité".

Ce n'est que quand le citoyen est convaincu de l'enjeu qu'est pour lui l'avenir de la société où il vit que la paix durable et le développement viable à terme deviennent possibles."

Depuis quelques années, des élections pluralistes ont lieu dans la plupart des pays, mais il reste néanmoins beaucoup à faire pour instaurer des conditions telles que le citoyen se sent protégé, que la société civile soit vivace et que les pouvoirs publics puissent remplir dûment et dans la transparence leur fonction. Le Secrétaire général fait valoir que "la démocratisation donne à chaque citoyen la conviction d'être partie prenante dans la vie sociale. Son importance ne saurait être surestimée car ce n'est que quand le citoyen est convaincu de l'enjeu qu'est pour lui l'avenir de la société où il vit que la paix durable et le développement viable à terme deviennent possibles".

Le développement, dit encore le Secrétaire général, est un droit fondamental de l'être humain et si l'Afrique ne s'engage pas dans cette voie, elle ne peut guère espérer moins se déchirer dans des conflits. Les gouvernements devraient revoir leurs priorités et d'abord essayer de répondre aux besoins fondamentaux et de faire reculer la pauvreté. Il faut absolument mettre en valeur le capital humain, en particulier en assurant l'instruction de base et de bonnes conditions de santé publique. Il faut aussi "renforcer la justice sociale si l'on veut que le développement et la croissance économique produisent des résultats bénéfiques et que la société se développe de façon équilibrée". On doit notamment reconnaître les obstacles structurels à l'égalité des droits entre les sexes et les supprimer par de vastes réformes.

Le Secrétaire général engage vivement les gouvernements qui n'ont pas encore mené à bien "la première phase de réformes économiques" à opérer sans plus tarder les réformes nécessaires en expliquant à l'opinion lors de réunions nationales les raisons et les ramifications de ces programmes d'ajustement structurel et en étudiant d'éventuels aménagements si nécessaire.

L'assistance au développement de l'Afrique s'étant très fortement réduite depuis quelques années, il faut de nouvelles sources internationales de financement. Mais il faudrait aussi restructurer l'aide de façon qu'elle produise davantage de résultats et réponde mieux aux impératifs prioritaires d'un développement durable, en l'axant sur les domaines où elle aura le plus d'effet (approvisionnement des régions rurales en eau, éducation de base, services de santé) et en l'employant à créer effectivement des moyens d'autonomie. Constatant que 90 % des 12 milliards de dollars consacrés chaque année à l'assistance technique à l'Afrique sont encore maintenant absorbés par des services d'experts étrangers, le Secrétaire général engage les donateurs à faire en sorte qu'au moins 50 % des fonds qu'ils accordent à l'Afrique financent des prestations assurées par le continent lui-même.

 


Photo : PNUD
Moyens de subsistance durables :
Le développement est un droit fondamental de l'être humain. Si l'Afrique ne s'engage pas dans cette voie, elle ne peut guère espérer être moins déchirée par des conflits.

La dette extérieure de l'Afrique crée une situation intenable, estime le Secrétaire général. Les remboursements ont absorbé plus de 17 % des recettes d'exportation en 1995, tandis que les arriérés augmentaient toujours. Mais malgré l'extrême gravité de la crise, les mesures internationales proposées pour alléger le fardeau de la dette n'ont donné que des résultats "décevants", constate le Secrétaire général, qui recommande entre autres moyens d'aide d'élargir la portée de l'initiative lancée par la Banque mondiale et le FMI en faveur des pays pauvres les plus lourdement endettés, dont actuellement seuls quatre pays d'Afrique bénéficient, les autres ne pouvant pas remplir les conditions imposées.

Une croissance durable dépendra aussi de la capacité qu'aura le continent de diversifier ses exportations et de développer la production manufacturière destinée à l'exportation, parallèlement aux produits primaires. Malheureusement, la progressivité des droits, qui fait que plus un produit d'exportation subit de transformation, plus les droits à acquitter sont élevés, décourage et pénalise les efforts de développement. Le Secrétaire général recommande que le Groupe des huit principaux pays industrialisés étudie lors de son prochain sommet la suppression des entraves douanières aux échanges avec l'Afrique.

Pour relancer en Afrique la dynamique de paix et de développement, il faut avant tout, déclare le Secrétaire général, une réelle volonté politique, tant de la part du continent lui-même que de celle de la communauté internationale. L'Afrique doit démontrer qu'elle veut vraiment des solutions politiques plutôt que militaires, qu'elle prend les exigences de la gestion publique au sérieux et qu'elle est résolue à opérer les diverses réformes qui s'imposent pour promouvoir la croissance économique. La communauté internationale, quant à elle, devra savoir "intervenir là où elle peut avoir le plus d'influence et investir là où les ressources font défaut". Le Secrétaire général invite le Conseil de sécurité à tenir tous les deux ans une réunion ministérielle, et une réunion au sommet dans les cinq années à venir, afin de faire le bilan de ce qui a été entrepris pour engager le continent africain dans la voie de la paix et du développement et de déterminer les mesures encore à prendre.

 



04/11/2011
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